Au delà d'une simple
mode ou d'un régime alimentaire, la position végétaliste est une
remise en cause de plusieurs idées semblant inébranlables. La
pratique découle d'une réflexion générale sur le rapport que
l'homme entretient avec le vivant et particulièrement le règne
animal. Quelles sont les motivations d'un végétarien ? Doit-on
mettre tous les œufs dans le même panier ? Pour comprendre la cause
d'un tel régime alimentaire (et comprendre que les conséquences
sont plus larges que l'alimentation) il convient de distinguer les
enjeux qui diffèrent mais peuvent se rejoindre. Nous nous
apercevrons que la différence végétarisme/végétalisme au delà
des apparences réside surtout dans la conception première du
rapport à l'animal.
Les raisons
sanitaires, d'hygiène et de santé ?
Certaines personnes
préfèrent éviter la consommation de certains produits carnés pour
des raisons de maladies liées aux méthodes et conditions de
production, d'autres pour leur régime alimentaire personnel en
considérant qu'il est plus sain et plus naturel de manger des
produits végétaux. Nous savons qu'un régime exclusivement
carnivore n'est pas viable pour l'être humain, alors qu'un régime
végétalien l'est. Les polémiques sur ces détails sont aujourd'hui
des duels de sophistes, des débats d'opinions parfois hypocrites.
Cependant la seule raison d'hygiène n'exclut pas la consommation
d'une petite quantité de produits carnés ou issus de l'exploitation
animale quand ceux-ci ne remettent pas en cause la santé du
consommateur.
Les raisons
religieuses ?
Ce type de végétarisme
s'appuie sur des dogmes, des textes, des pratiques plaçant l'animal
au moins au même niveau que l'homme, sinon au dessus. Le caractère
sacré de l'animal dans ces cas là est donc traditionnel et ne
revendique pas d'opinion politique particulière comme d'autres types
de végétarismes.
Toute vision religieuse
est spirituelle. Chaque dogme se pose d'un côté ou de l'autre
implicitement ou explicitement dans un rapport de l'homme à
l'animal. Chaque vision du monde s'organise autour de l'homme avec
d'un côté soit une force naturelle supérieure ou divine, de
l'autre l'ensemble de la nature. En laissant de côté la
métaphysique et les hypothèses d'existence de Dieu ou non, la
nuance va se trouver dans la vision que l'homme se fait de lui même
comme partie ou non du monde animal. Dans la conception bouddhiste
des êtres par exemple nous sommes à la fois tous dans chacun et
chacun dans tous, corporellement et spirituellement. De ce fait,
manger des animaux revient à manger ses propres frères ou ses
ancêtres. Les raisons spirituelles ou religieuses qui fondent des
pratiques végétariennes ne peuvent s'appliquer directement au
végétalisme.
En effet, les produits
issus de l'exploitation animale ne sont pas concernés par l'âme de
l'animal et ne peuvent faire l'objet d'une assimilation de celui-ci
par la nourriture.
Cependant, la logique de
respect de l'animal qui est montrée par certaines pensées
religieuses peut s'appliquer aux conditions d'exploitation des bêtes
et trouver dans celle-ci une violation de la parole sacrée. Si
l'ouverture spirituelle ou religieuse permet de prendre conscience de
l'individualité des êtres vivants ou de la souffrance qu'ils sont
capables de subir, les dogmes ne mettent pas en relief l'idée
défendue par certains défenseurs que l'animal subit dans tous les
cas une domination de la part de l'homme (voir raisons éthiques).
Les raisons
écologiques ?
Nous savons que la
production intensive de viandes est néfaste pour l'environnement,
par sa grosse consommation en eau, par le défrichement intensif et
parce que les rejets de gaz à effets de serre sont même plus
importants que ceux des transports. Le végétarien écologiste veut
par son régime s'opposer à la destruction de la planète. Il est
difficile de dissocier l'engagement politique de la conviction
écologique dans ce cas précis. Le mode de production incriminé est
directement lié au capitalisme, à la recherche de la performance et
l'oubli d'une certaine réalité face à un fantasme économique. Si
ces raisons seules fondent un choix alors elles n'excluent pas des
produits certifiés, labellisés qui promettent des conditions de vie
« meilleures » ou du moins « moins pires ».
Les raisons éthiques ?
Concernant la vie et la
mort des animaux, la position éthique première s'oppose au
traitement inacceptable que subissent les êtres vivants destinés à
nourrir l'homme. Car les bêtes vivent et meurent dans des conditions
tellement dures qu'elles bouleversent leurs comportements, leur
nature, leur perception du réel.
Une personne sans cœur
pourrait se demander à quoi bon leur permettre de bien vivre quand
elles sont destinées à mourir. En laissant de côté les arguments
d'hygiène et de santé de l'animal (qui sont très importants
néanmoins) la question philosophique du statut de l'animal en tant
qu'objet se pose. Elle doit également soulever une question tout
aussi philosophique : celle du sens et de la valeur de notre
propre vie. Comment considérer un animal dont la fonction est de
servir l'humanité ? L'homme cherche un sens à sa vie, un but,
une fonction. Doit-il pour autant affirmer que celle de l'animal est
d'être mangé par lui ? Pourquoi certaines personnes sont-elles
plus choquées face à de la viande de cheval, des grenouilles, ou de
la viande de chiot ? Nous attribuons plus ou moins inconsciemment des
valeurs aux animaux. Certains comme les animaux domestiques ont une
grande valeur, d'autres comme certains animaux sauvages ont une très
faible valeur. Dans ces deux cas il est difficile d'envisager se
nourrir de ces bêtes car ils n'ont pas de valeur assez « neutre »
ou moyenne pour susciter du dégoût.
Les raisons
sensibles ?
Le
plaisir est-il exclusivement physique, sensitif ? Non. Donnez à
un enfant une assiette de viande et dites-lui que cette viande est de
la chair humaine : il ne voudra pas y goûter. Le dégoût,
revers du plaisir montre que l'homme est capable de raison et que
celle-ci l'empêche de prendre du plaisir dans des activités dont la
conscience lui rappelle que ses actes sont plus néfastes que
bénéfiques. Il est pour cela non seulement absurde mais d'autant
plus irritant de se voir naïvement nargué par des mangeurs de
viande qui se vantent de profiter d'un luxe, d'un droit avec ce qui
n'est qu'un plaisir sans conscience. L'homme peut être dégoûté
par de la viande de chien quand il considère celui-ci comme un
animal de compagnie, son meilleur ami. Il peut être à l'inverse
également dégoûté par de la viande de serpent car il considère
celui-ci comme un produit de trop mauvaise qualité pour être de la
viande. Mais le dégoût peut être d'un autre ordre, quelqu'un peut
refuser de manger de la viande pour son simple aspect, ou son simple
goût (la sensation en elle-même). D'une manière évidente le goût
seul ne peut justifier un régime végétalien qui exclut
idéologiquement tous les produits issus de l'exploitation animale et
donc même ceux dont les ingrédients n'affectent pas directement le
goût.
Position philosophique
d'un vegan
Lorsque
le régime végétalien trouve ses fondements dans une réflexion
philosophique plus radicale (de la racine) il devient un mode de vie,
c'est à dire qu'il inclut une démarche générale quant à la
consommation de produits issus de l'exploitation animale. En effet,
en dehors de notre alimentation, l'industrie fait de l'animal-objet
son chiffre d'affaires dans nombreux secteurs d'activités. La
cosmétique, le pharmaceutique, l'habillement, etc... les choix de
vie quotidiens impliquent directement un rapport avec l'animal.
De ce
point de vue, au delà de la la consommation alimentaire de l'animal
c'est une consommation indirecte et donc une exploitation de l'animal
qui est dénoncée. La question que soulèvent les défenseurs des
animaux est celle du rapport de l'homme à l'animal. En évoquant la
domination issue du spécisme, le vegan militant tient à renverser
la légitimité de celle-ci. De quel droit nous posons-nous en maître
de l'animal ? Que fonde l'idée de propriété sur un animal ?
Ces vastes questions doivent faire l'objet aujourd'hui d'une
attention critique d'autant plus particulière qu'elle est en rapport
direct avec les droits de l'homme d'une manière générale, de notre
vision du vivant et de la justice en particulier.
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