lundi 9 janvier 2012

Typographie

    La typographie (du grec typos : frapper et graphein :écrire) désigne trois choses différentes qui sont premièrement un procédé technique à laquelle se rapporte un métier, une manière et ses règles et enfin l'on désigne par une typographie un ensemble esthétique particulier, une production artistique qui diffère d'autres typographies et qui se rapproche de ce nous appelons une police de caractères.

    C'est donc d'abord en opposition avec la calligraphie, la technique d'impression qui emploie des caractères mobiles imprégnés d'encre qui viennent presser le papier. De cette spécificité de production est née à la fois l'art de donner sa forme aux poinçons qui forment les lettres et l'art de composer un texte, c'est-à-dire agencer ces mêmes poinçons pour former les mots, tenir compte des espaces entre les caractères, entre les lignes, définir les espaces des paragraphes, des colonnes, etc...cet  ensemble de règles, de conventions de forme, de mise en ordre, de présentation et de mise en page d'un texte.

  Peut-on dire que la typographie est à l'écriture ce que la phonologie est à la parole ? C'est cette approche qu'il serait intéressant de mener. En effet les lettres n'ont, comme les phonèmes, aucune identité absolue et définie mais s'organisent en structures. Ainsi un A, un a, ou un a sont trois formes très différentes d'une même lettre. Mais dans des styles plus poussés cette même marque graphique peut se transcrire par ˄,  ou ∆ le delta grec si les autres lettres permettent de l'analyser comme un « a ». Chacun de nous possède une écriture particulière et les nombreuses polices de caractères utilisées multiplient les formes des lettres que nous sommes capables de lire et ce malgré l'extrême ressemblance que peuvent avoir deux lettres « différentes ». De la même manière qu'il existe un spectre de couleurs à l'intérieur duquel une multitude de nuances est possible la structure des lettres laisse un champ de créativité aux artistes typographes, calligraphes, ou simplement grapheurs !

    Si l'écriture n'a pour but que de fixer le langage oral, comme nous l'affirme Ferdinand de Saussure, elle soulève également un paradoxe qui est liée à l'impossible neutralité qu'elle voudrait afficher. Les lettres au-delà de l'information linguistique qu'elle supportent présentent, par leurs différentes formes, une information supplémentaire quasiment inconsciente. Des études ont montré ainsi que les typographies plus carrées seraient admises comme étant plus sérieuses que celles plus rondes délaissées aux ouvrages destinés pour les loisirs. La typographie se révèle être en fait l'identité de l'écriture. Ainsi non seulement certains journaux ou maisons d'éditions ont développés leurs propres polices pour affirmer leur identité singulière mais le phénomène le plus marquant est son utilisation purement commerciale : la typographie habille les noms de marque. Aussi importante que le logo elle est l'image d'un produit. C'est un phénomène d'importance qui a également permis d'introduire les mots comme éléments décoratifs principaux sur nos habits, nos mobiliers et nos tapisseries ! L'engagement de la mode n'est jamais trop poussé, on se contente de promouvoir des concepts sûrs comme l'amour et la paix (en anglais, c'est censé faire plus « classe »...) comme on aime le côté exotique des caractères chinois dont on ne connaît la signification (et qu'il serait préférable de ne pas connaître...).

    En conclusion on notera que rien n'est laissé au hasard et si il faut soigner ses expressions à l'oral comme à l'écrit, il convient également d'ajuster sa typographie un peu comme on choisit une chemise : même si elle ne soutient pas le propos mais elle est là, à l'image de celui qui a la parole.

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