...et je te dirai qui tu es. Dans nos sociétés occidentales, alors que
nous avons la chance de subvenir à nos besoins, nous avons la
fâcheuse tendance à ne pas en avoir conscience, nous oublions toute
l'importance du fait même de se nourrir comme processus vital, en
sublimant l'aspect hédoniste de la nourriture. Prendre du plaisir à
se ravitailler n'a rien de mauvais en soi, mais c'est la nature
altérée de celui-ci qui est dérangeante. Considérer des plaisirs
comme des biens en soi est différent de considérer des biens et les
plaisirs qui y sont liés. Nous pouvons apprécier un repas, mais
nous devons apprécier le fait même de manger. Nous ne devons pas
oublier que la vie, le mouvement est énergie. Nos corps sont des
générateurs chimiques tournant aux dérivés de photons, délivrés
par la lumière du Soleil et assimilés par le règne végétal. Le
cycle de la vie est le cycle de l'alimentation, de l'échange
d'énergie, de la co-dépendance des êtres qui nous place dans un
ensemble vivant, la biosphère. Nos gesticulations périphériques
quotidiennes ne sont que des fioritures qui embellissent ce que
chacun cherche avant toute chose : continuer à vivre. Et si
nous acceptons certaines choses pénibles qui peuvent être le
travail pour certains, les multiples contraintes de la société pour
d'autres, c'est parce que nous devons tous nous nourrir et nous
dépendons plus ou moins tous des uns et des autres pour ça. C'est
pour manger que l'homme s'est sédentarisé, si il s'est installé
près de l'eau c'est notamment car l'eau permet à la vie, aux
plantes de pousser, et aux animaux de les manger.
Tous nos actes ont des
conséquences, si celui de manger est le plus banal, le plus
vulgaire, le plus commun, le plus nécessaire, cela n'en fait pas
pour autant un acte innocent. Le monde dans lequel nous vivons, la
société de production à laquelle nous appartenons reposent sur nos
habitudes de consommation. Aujourd'hui plus que jamais, manger est
non seulement un acte économique, politique mais aussi éthique et
quelque peu philosophique. Manger implique des choix de produits, qui
favorisent ou non des types de productions, de distribution, des
modèles économiques et leurs structures commerciales et sociétales
s'y rapportant. Car manger c'est acheter des denrées alimentaires et
donc financer le modèle que l'on souhaite soutenir. C'est par
conséquent un acte écologique quand on sait que les transports,
l'agriculture, une partie de l'industrie et des services en dépendent
directement. Manger est enfin un acte éthique quand il exclut
certains aliments pour des raisons diverses, des conditions de
travail, d'exploitation ou fondamentalement dans la prise de position
morale contre la domination animale dans le cas du végétalisme.
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